Métal souffrant - Nouvelle fantastique 1ère partie

Métal Souffrant, nouvelle fantastique – Partie I (Public averti)

Vous aimez le fantastique ? Vous aimez l’horreur diffuse et suggérée ? Vous allez aimer Métal Souffrant

Cette fois-ci, plus de parenthèse confortable entre légendes et réalité, nous allons plonger dans la dureté d’une vie ordinaire contemporaine. La nouvelle fantastique Métal Souffrant vous fait rencontrer Axel, un jeune étudiant qui cache un lourd secret. Il pensait l’avoir enfoui tout au fond de son être, loin de la surface, jusqu’à ce qu’un événement inattendu, une découverte anodine, fasse ressurgir les horreurs du passé.

 

Métal Souffrant, petite pierre de Sombres Tombeaux

 

Il y a quelques années, j’ai eu le plaisir et l’honneur de figurer au sommaire d’un recueil de nouvelles des Éditions du 38, Sombres Tombeaux. Le thème, faut-il le préciser ? Le tombeau, lien entre morts et vivants, limite infranchissable et fantasmée qui nous sépare d’êtres aimés… ou redoutés. L’ouvrage était paru pour Samain, l’une des plus importantes fêtes anciennes celtiques. Lors de la nuit de Samain, notre monde s’ouvre à ceux des dieux et des mânes…

C’est dans ce contexte qu’est parue Métal Souffrant, une nouvelle difficile car elle parle de violences infligées aux enfants. Elle avait obtenu une belle critique de Yozone : « Très psychologique, le texte transpire la souffrance de ses personnages. »

Le recueil des Éditions du 38 n’étant plus disponible à la vente, j’ai beaucoup de plaisir à vous le proposer ici.

Sombres Tombeaux, recueil de nouvelles des Éditions du 38
Sombres Tombeaux, des Éditions du 38

 

Je vous conseille par ailleurs d’aller jeter un œil aux excellentes parutions des Éditions du 38, qui publie de la bonne littérature de genre (science-fiction, fantasy, fantastique, policier, etc.). 😉

Allez, c’est parti pour la lecture ! Attention, elle n’est pas conseillée si vous ne supportez pas les récits dans lesquels il est question de violences envers les enfants.

 

Métal Souffrant, nouvelle fantastique et horrifique

 

Les coups pleuvaient. Il essayait de les parer avec ses bras, mais les membres chétifs laissaient passer l’essentiel des claques, des coups de poings et de pieds. Il se recroquevillait davantage, jusqu’à vouloir disparaître en lui-même mais, où qu’il allât, les mains méchantes le poursuivaient et le battaient. Il ne pouvait s’empêcher de gémir ; et les mains furieuses s’excitaient davantage.

« Je n’ai rien fait, je n’ai rien fait ! » pleurait-il. Mais les mains cruelles s’en moquaient ; elles l’aimaient innocent plus que coupable.

Au-dessus de sa dépouille sanglotante, la lame jaillit encore. Fallait-il donc accepter ? Il se ramassa autour de son ventre et ferma les yeux. Cette fois, il ne lutta pas. Se débattre causait trop de souffrances. La lame mordit la peau de son épaule. Profondément. Dessin de feu et de sang. Le liquide, chaud, coula le long de son bras. La douleur était trop intense. Il vacilla, s’écarta, se réfugia plus loin, loin de l’instant et de son corps.

Lorsqu’il se réveilla, il était marqué. Il palpa son épaule, si brûlante. Une lamelle de métal, incrustée dans la peau, y pulsait comme un être vivant.

 

« Tu ne dors pas la nuit ou quoi ? »

Axel leva vers Magali un regard fuyant. Ses dernières paroles ? Il ne s’en souvenait plus. En baissant les yeux sur ses notes, il ne vit qu’un long trait noir, là où sa main et son esprit avaient perdu le fil. En bas, sur l’estrade, le maître de conférences continuait de discourir.

« Je ne sais pas… Je n’arrête pas de me réveiller. Des rêves bizarres, qui se répètent… »

Magali indiqua du menton le professeur.

« Fais gaffe. Il a sa tête des mauvais jours. »

Axel hocha vaguement la tête.

La voix monocorde de l’universitaire s’appesantissait sur les dizaines de têtes. Axel n’y tint plus. Il lâcha son stylo et glissa la main dans la poche de son jean. Le petit bout de métal s’était coincé dans la couture. Ses doigts raclèrent jusqu’à l’en extirper. Magali toussota en lui jetant un regard noir. Il se mordit les lèvres. La chose étrange pulsait presque contre sa cuisse.

Une toute petite surface de métal brillant. Nettoyée des résidus de terre qui l’avait maculée – qui savait combien de temps elle était restée prisonnière des sols argileux des bois ? –, elle reflétait la lumière. Il la fit tourner entre ses doigts, oppressé. Comment avait-il remarqué ce minuscule éclat sur le chemin de promenade ? Perdu entre les herbes, les fougères et les feuilles mortes ? La terre le cernait comme si elle voulait en garder l’empreinte. Les ongles d’Axel s’en étaient noircis tandis qu’il essayait de récupérer la chose.

« On dirait une serrure, avait remarqué son pote Janis, debout au-dessus de lui. Une porte vers les Ténèbres infernales… »

Il avait rigolé. Mais, depuis, à chaque fois qu’il la contemplait, Axel y voyait une silhouette. Celle d’un enfant de profil, les mains sur le ventre et le visage incliné. Un gamin comme on dessine de manière stylisée les angelots, la tête aussi grande que le corps. Oui, un tout petit gosse. Sans les ailes. Arrachées. Et Axel frissonnait.

Il le voyait, ce gamin, et il se perdait dans sa contemplation plusieurs fois par jour. Il le connaissait bien…

« Tu me fous les boules », chuchota Magali, tout près de lui. Son ton était tendu. « Range ce bidule, c’est malsain. »

En quoi une lamelle de métal pouvait-elle être malsaine ? C’était rationnellement stupide. Pourtant, Axel savait qu’elle avait raison. Ce truc-là était malsain. Et c’était sans doute pour cela qu’il ne pouvait plus le quitter des yeux.

 

« Il me fait peur. Je veux pas y aller.
— Il t’a appelé. Tu es obligé.
— Mais quand il est revenu, Benjamin pleurait. Il a pas dit pourquoi. Ça me fait peur. »

La main de la petite fille sur son épaule. Là où pulsait le truc.

« Il faut tous y passer.
— Mais passer par quoi ? Qu’est-ce qui se passe, dans la Chambre ? »

La petite fille détourna les yeux.

Elle le savait, elle. Elle ne répondit pas.

 

Axel était allongé sur son lit. Le volet à moitié baissé sur la fenêtre entrouverte laissait passer une brise fraîche. Il allait bientôt faire nuit. Le jeune homme commençait à avoir froid, mais il rechignait à se lever. Le léger frisson sur sa peau tendait à se faire oublier alors que la lamelle de métal tournait entre ses doigts.

Malsain. L’impression demeurait. Ça le poursuivait même la nuit. Ça avait l’écho des anciens cauchemars, les autres, ceux de l’enfance…

« Qu’est-ce que tu caches, hein ? »

Si elle l’avait entendu s’adresser ainsi au bidule, la voix oppressée, Magali l’aurait traité de grand taré. Mais il n’y pouvait rien. Le truc lui parlait, au sens métaphysique du terme. Le truc savait. Le truc voulait qu’il se souvienne.

Il inspecta une nouvelle fois, sous toutes les coutures, l’étrange petite chose. Puis, pris d’une impulsion incontrôlable, il souleva la manche de son tee-shirt pour dégager son épaule et posa l’objet dessus.

Rien ne se passa.

« Je suis con », grommela-t-il, avant de reposer le bout de métal sur le chevet, près de son radio-réveil.

La nuit tombait.

 

Il courait dans la nuit. Les herbes chatouillaient ses pieds nus. Le sang coulait d’entre ses fesses, le long de ses jambes. Son seul vêtement, une chemise, battait l’air au-dessus de ses cuisses et effleurait dans sa course son épaule marquée par le métal.

Les arbres penchaient sur lui leurs silhouettes noires et gigantesques.

La douleur lui cuisait, à un endroit où nul n’aurait jamais dû pénétrer. Mais elle était moins puissante que l’épouvante. Aussi courait-il toujours. Il ne retournerait pas dans la Chambre. Personne ne le rattraperait.

 

Cette fois-ci, Axel se réveilla en sursaut. Son cœur battait comme un sourd dans sa poitrine. La sueur l’inondait. Ses draps en étaient trempés.

Ses doigts allèrent à l’aveugle sur le chevet. Ils attrapèrent la lamelle de métal. À la lumière du feu rouge qui brillait au-dehors, juste devant sa fenêtre, la silhouette enfantine se teinta fugitivement de sang. Il la contempla, effrayé.

« Non ! Je ne veux pas me souvenir ! »

Il la jeta. Avec un petit cliquetis, la lamelle heurta le lecteur CD, puis elle rebondit et disparut dans le noir. Axel resta immobile, les mains crispées sur sa couette. Feu vert. Feu orange. Feu rouge. Feu vert. Feu orange. Feu rouge… Des couleurs artificielles, rien de plus, des signaux fonctionnels, des reflets sans signification…

L’enfant en métal étirait ses doigts jusqu’à lui. Non ! Ce n’est qu’une impression ! Mais Axel ne parvenait pas à la chasser. L’enfant frémissait dans le silence. Il tremblait de toutes ces tortures jamais révélées. Axel tremblait avec lui, violemment. Des larmes froides coulaient sur ses joues.

Je ne peux pas… je ne peux pas supporter ça, pas encore ! Retourne dans les ombres, toi !

Le lieu de la découverte, un bois aménagé pour la promenade. Si la plaque de métal était là, entre ses doigts, où se trouvait l’enfant ? Sous la terre ? Un sanglot étreignit la gorge d’Axel. Il fallait le ramener là-bas. Ou l’exhumer ? murmura une voix téméraire, celle qu’il avait toujours refoulée.

Demander à Janis, son plus vieil ami. Il était courageux, lui. Il n’avait peur de rien. Sans le savoir, à leur rencontre, il avait sorti Axel du néant. Il avait besoin de Janis pour affronter l’enfant.

 

J’espère que cette première partie vous aura plu, intrigué et alléché… Rendez-vous par ici pour la suite et fin de cette nouvelle fantastique !

 

Crédits image : BeaTzJooDy

À PROPOS DE L'AUTEURE

Je suis Marie, passionnée d'antiquité et de mythologie grecque depuis l'enfance. J'ai acquis un gros bagage dans ce domaine grâce à mes lectures, innombrables, sur le sujet : ma bibliothèque compte plusieurs centaines d'ouvrages, sources antiques et essais historiques traitant de nombreux aspects de ces périodes anciennes.

Je suis également diplômée d'histoire ancienne et médiévale (Maîtrise, Paris IV Sorbonne). J'ai notamment travaillé sur l'antiquité tardive, le Bas Empire romain et la romanisation des peuples germaniques.

Je suis l'auteure de plusieurs romans et nouvelles, dont Atalante, qui réinterprètent et revisitent la mythologie grecque et l'antiquité.

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