Qui sont les Samaritains et les Juifs de l’antiquité ? En fait, ce sont deux communautés qui pratiquent la même religion, le judaïsme. Mais, dans le courant des VIe, Ve et IVe siècles, elles se sont séparées l’une de l’autre pour des raisons religieuses.
Je vous dresse un tableau de ces deux communautés à la fin du IVe siècle, juste avant la conquête du Levant par Alexandre, et je vous explique la raison de leur scission. 😉
À l’origine de tout : le retour d’Exil des Juifs
Une époque difficile pour les Juifs : la peur de disparaître
De nombreux Juifs reviennent de l’Exil à Babylone à la fin du VIe siècle, dans ce qu’on appelle pour cette époque le Levant (Proche-Orient).
C’est une époque difficile pour la communauté juive. Elle n’a plus d’État qui lui soit propre. La Judée comme les régions qui l’entourent appartiennent à l’empire perse depuis les conquêtes de Cyrus le Grand (VIe siècle).
La communauté juive a l’impression de s’étioler et de perdre en identité. Il n’y a pas de loi coercitive qui maintienne son particularisme :
- Les Juifs ne respectent pas toujours scrupuleusement le sabbat.
- On se marie parfois avec des non-Juifs.
- Les prêtres sont les seuls à observer rigoureusement tous les règlements existants en matière de pureté.
L’intervention de Néhémie et d’Esdras
Aux Ve et au début du IVe siècles, deux personnages importants vont modifier la donne. Ce sont Néhémie et Esdras.
Néhémie et Esdras veulent redonner force à leur communauté et affirmer sa personnalité. Ils estiment que des mesures sont indispensables pour préserver l’identité du peuple élu. Dans ce but, ils vont réorganiser la communauté et instaurer de nouvelles règles. Esdras va notamment multiplier les contraintes. Par exemple : l’interdiction des mariages entre des Juifs et des non-Juifs.
On estime que le judaïsme palestinien a acquis son visage définitif à l’époque d’Esdras, et grâce à lui. La communauté de Judée se cimente autour de 3 éléments :
- Le temple de Jérusalem. Celui-ci a été reconstruit comme on le pouvait, assez pauvrement. (On parle de « Second Temple ».)
- Le grand-prêtre. C’est le chef du peuple.
- La Torah (la « Loi »), qu’Esdras promulgue solennellement et qui donne pour la première fois une définition juridique du Juif.
Autrefois, on définissait le Juif comme un membre du peuple élu de Yahweh. Désormais, ça va plus loin. Est juif celui qui montre sa soumission à Yahweh en appliquant la Torah.
Bref, au IVe siècle, le judaïsme prend un aspect rigoureux, voire rigide. Ces innovations contribuent à couper les Juifs de leur environnement sémitique en matière religieuse et en matière de mœurs. Le particularisme juif se renforce. Les Juifs marquent leur différence par un respect scrupuleux du Code sacerdotal d’Esdras.
La communauté se soude face aux menaces extérieures.
Les Samaritains face aux Juifs aux VIe-IVe siècles
Les Samaritains ont leur propre rigueur. Ils rejettent tous les écrits bibliques postérieurs au Pentateuque. Le Pentateuque, ce sont les cinq premiers livres de la Bible. C’est la Torah pour les Juifs.
Donc, les Samaritains rejettent les livres des prophètes et ceux qui suivent. Pour simplifier, ils ne veulent pas du Tanakh, c’est-à-dire de la compilation de textes que va faire Esdras en assemblant la Torah et d’autres textes, comme ceux des prophètes.
La séparation entre Juifs et Samaritains a lieu progressivement, au fur et à mesure que les chefs de la communauté introduisent des nouveautés après le Retour d’Exil.
La communauté juive de Judée a accepté ces innovations. La communauté de Samarie les rejette. Ils ne veulent pas non plus du principe d’un lieu de culte unique à Jérusalem (le temple). Depuis peut-être la fin du Ve siècle, ils ont leur propre temple. Celui-ci se situe au mont Garizim.
La discorde, voire la haine, se développe entre les deux communautés. Elle est entretenue par les transfuges qui fuient la Judée et se réfugient en Samarie. Ce sont des Juifs qui refusent la rigueur d’Esdras.
La situation en Judée et Samarie au IVe siècle
La Samarie et la Judée sont situées dans ce qu’on appelle le Levant-Sud intérieur. Les communautés d’alors l’ignorent, mais ce territoire va bientôt être le théâtre d’une nouvelle guerre. Les armées d’Alexandre le Grand vont le prendre aux Perses.
Les rébellions contre les Perses au IVe siècle
Au milieu du IVe siècle, les Phéniciens de la ville de Sidon se révoltent contre les Perses. La répression contre la Phénicie, en 347-345, est terrible.
On n’est pas certain de l’implication de la Samarie et de la Judée dans cette histoire. Par contre, des Juifs sont déportés en Hyrcanie (sud-est de la Caspienne). Des rebelles, eux aussi ?
On a aussi trouvé des traces de destruction majeures sur plusieurs sites palestiniens. Elles datent de la même période. Des cités sont abandonnées :
- Hazor et Megiddo en Galilée (non juives)
- Lachich et Jéricho en Judée
Ces cités se sont-elles rebellées, elles aussi, contre les Perses ? Il peut s’agir d’une révolte indépendante à celle des Phéniciens.
Samaritains et Juifs avant la conquête d’Alexandre
Juste avant la conquête d’Alexandre, les Perses tiennent le pays bien en main.
Les Samaritains
Les Samaritains sont peu nombreux. Ils sont groupés autour de Sichem et de Samarie.
Cette Samarie au sens large est administrée par les Sanballat, une famille indigène fidèle des Perses. Le monnayage de Samarie est fortement marquée de l’empreinte perse. On ne sait pas si c’est comme ça depuis longtemps ou si cela est du à la vigoureuse reprise en main de l’empire par Artaxerxès III.
Dès le Ve siècle, la Samarie importe massivement des céramiques grecques. Elle est même un centre de redistribution. C’est toujours le cas au IVe siècle.
Les Juifs
Les Juifs sont à Jérusalem et dans ses environs. Ils ont perdu de nombreux villages qu’ils occupaient avant l’Exil, comme Hébron au sud.
À Jérusalem se trouvent le grand-prêtre Yohanan et un gouverneur nommé Yehizqiyyah.
Autour des Juifs et des Samaritains
Les Juifs et les Samaritains sont majoritaires dans les districts qu’ils occupent. Mais leurs territoires sont entourés de populations araméennes ou arabes, comme les Thamoudéens, qui ont été déportés à Samarie au VIIIe siècle. Les cultes et les mœurs de ces peuples sont réprouvés par les Juifs et les Samaritains.
Nous sommes au IVe siècle : Samaritains et Juifs sont encore inconnus du monde grec. Les Grecs, pourtant grands voyageurs, ignorent tout d’eux. Toutefois, Alexandre arrive, et l’histoire juive va bientôt rencontrer l’histoire grecque. 😉
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Sources : SARTRE, Maurice, D’Alexandre à Zénobie, Histoire du Levant antique, IVe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C., Fayard, 2001
Crédits image d’en-tête : Représentation du mont Garizim, élément de discorde entre Samaritains et Juifs – Musée Samaritain de Naplouse – Crédits photo Inès gil
À PROPOS DE L'AUTEURE
Je suis Marie, passionnée d'antiquité et de mythologie grecque depuis l'enfance. J'ai acquis un gros bagage dans ce domaine grâce à mes lectures, innombrables, sur le sujet : ma bibliothèque compte plusieurs centaines d'ouvrages, sources antiques et essais historiques traitant de nombreux aspects de ces périodes anciennes.
Je suis également diplômée d'histoire ancienne et médiévale (Maîtrise, Paris IV Sorbonne). J'ai notamment travaillé sur l'antiquité tardive, le Bas Empire romain et la romanisation des peuples germaniques.
Je suis l'auteure de plusieurs romans et nouvelles, dont Atalante, qui réinterprètent et revisitent la mythologie grecque et l'antiquité.