Amphore grecque montrant la pesée de marchandises pour illustrer un article sur le commerce en Grèce antique - Peintre de Taléidès - 540-530 avant J.-C. - Metropolitan Museum of Art

Le Commerce dans l’antiquité grecque : à pied ou à voile ?

Le commerce en Grèce antique nous évoque irrésistiblement des navires cabotant sur les rivages de la Méditerranée, voire la traversant, pour alimenter l’éternel ballet des marchandises entre l’Égée et le reste du monde. Était-ce vraiment cela ?

Je vous propose d’embarquer dans cet article pour connaître la réponse à cette question. 🙂

Grèce antique : un commerce maritime essentiel… et limité

Un commerce incontournable

Il faut bien dire qu’il est plus facile de commercer par voie maritime en Grèce antique.

Pourquoi ? Parce que peu de routes sont réellement carrossables. C’est un gros frein pour transporter les marchandises lourdes, et les marchandises en quantités importantes.

Les petites navires de fret sont donc le seul moyen de transport utilisable pour des échanges un tant soit peu importants.

En plus, les Grecs ont besoin d’importer une grande partie de ce qui constitue leur alimentation vivrière. Tous les Grecs ? Non, surtout les grandes cités, mais elles comptent ! Elles font venir des céréales depuis les riches terres arables d’Égypte, de Cyrénaïque ou de Russie méridionale. On estime qu’au IVe siècle, Athènes importe chaque année 500 000 hectolitres de céréales. Peut-on imaginer les faire venir par voie de terre ? Non. La voie maritime est le seul recours.

Les limites du commerce par la mer

Toutefois, plusieurs éléments limitent ce commerce maritime :

  • Le tonnage de ces navires est réduit : environ 80 à 250 tonnes métriques.
  • On ne navigue pas avant avril et plus après octobre, à cause des tempêtes. Des épigrammes funéraires de naufragés évoquent les dangers de ces tempêtes lors du solstice d’hiver (« coucher des Chevreaux ») ou de l’équinoxe de printemps (« lever vespéral d’Arcturus »). Au VIIe siècle, Hésiode limite même à 50 jours par an le temps de navigation.

Naviguer à l’époque, ce n’est pas si facile. Les vaisseaux de charge utilisent une voile carrée et ils n’emploient pas l’aviron, contrairement aux trières. Ils sont donc limités en termes de manœuvres.
(J’ai écrit un article complet sur la marine grecque antique ici.)

Par ailleurs, les premiers phares remontent à l’époque hellénistique, pas avant. Les cartes marines sont très sommaires : les pilotes se fient plutôt aux portulans (ou périples). Bref, même pour une marine marchande indispensable à la vie des Grecs, il existe beaucoup de freins qui rendent la navigation risquée.

Quelles marchandises dans le commerce en Grèce antique ?

Les marchandises lourdes venues d’ailleurs

Les Grecs font venir par bateau des marchandises pondéreuses, impossibles à convoyer autrement. Outre les céréales dont on a parlé plus haut, ce sont le bois, le marbre, les lingots de cuivre ou de plomb. Bref, des matières brutes venues d’ailleurs.

Les produits de l’artisanat grec

Des marchandises précieuses…

Les Grecs exportent par ailleurs des marchandises de haute valeur vénale. Ce sont des produits élaborés de leur agriculture et de leur artisanat :

  • des vins (Chalcidique, Thasos, Chio)
  • de l’huile d’Attique
  • des parfums
  • des tissus (Milet, Samos, tissus d’Orient)
  • des vases d’argile peinte (Corinthe, Athènes), souvent exportés avec leur contenu
  • des bronzes de Corinthe
  • du silphion de Cyrénaïque
  • de l’argent monnayé ou en lingots
  • de l’ivoire
  • de l’orfèvrerie
  • etc.

… qui irriguent le reste du monde

Tous ces produits sont transportés en volume plus faible, mais comme ce sont des marchandises précieuses, elles coûtent cher. Grâce à ce commerce d’exportation, les armateurs et les banquiers réalisent des fortunes. Ils font aussi connaître très loin le renom des ouvriers grecs, par exemple :

  • À Vix, en Côte-d’Or, on a trouvé un grand cratère en bronze dans une tombe hallstattienne. Il est venu d’un atelier grec d’Italie méridionale ou du Péloponnèse à la toute fin du VIe siècle.
  • À Koul-Oba, près de Kertch, en Crimée, ce sont des médaillons d’or reproduisant l’effigie d’Athéna Parthénos, le chef d’œuvre de Phidias. Les pièces datent de la fin du Ve ou du début du IVe siècle.
  • Dans une pyramide funéraire de Méroé, près du cours supérieur du Nil, on a trouvé une terre cuite attique du Ve siècle représentant une Amazone à cheval.

Quelques cités comme Athènes, Corinthe, Tarente, Syracuse, Cyrène ou Naucratis sont le siège de ces transactions importantes. Mais tout cela, c’est la partie émergée d’un iceberg, qui nous cache la plus grande partie du commerce quotidien de l’antiquité grecque.

cratère en bronze de Vix
Le cratère en bronze de Vix - Source de l'image : https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/09/19/des-archeologues-replongent-dans-la-fabuleuse-tombe-celte-de-vix_5512164_1650684.html

Un commerce grec fondamentalement local

La plupart des cités grecques, ce n’est pas Athènes, Corinthe ou Naucratis.

L’essentiel du commerce en Grèce antique est plutôt local. Chaque jour, les cités et les Grecs échangent des produits du cru, issus des alentours.

Ce type de commerce répond d’ailleurs mieux à l’idéal d’autarcie des législateurs et même des philosophes. En réalité, ces cités maritimes qui nous font rêver et suscitent notre admiration sont sévèrement condamnées, par exemple par Platon. Dans les Lois (705 a), le philosophe dit que le voisinage de la mer,

« en entretenant le négoce et les trafics financiers, fait naître dans les âmes l’inconstance et la fourberie »

Les Grecs, des marins ? Oui, sans aucun doute. Mais beaucoup plus des paysans !

Nous qui les regardons 2 500 ans en arrière, nous admirons les marins intrépides et les colons aventureux. Mais les Grecs de l’époque antique, eux, admirent beaucoup plus le modèle du hoplite qui défend la cité et la terre. Et lorsqu’ils quittent la terre ferme, à l’époque haute des colonisations, ce n’est pas par goût de l’aventure et dans l’euphorie. C’est sous la pression, pour trouver de nouvelles terres dans un territoire grec qui est asphyxié par le nombre.

Au temps pour le mythe d’une société grecque entièrement tournée vers la mer ! C’est vrai… mais pas pour les raisons qu’on imagine.

J’espère que cet article sur le commerce en Grèce antique vous a plu ! Pour plus d’immersion en Grèce antique, retrouvez-moi dans ma newsletter ici !

Sources : CHAMOUX, François, La Civilisation grecque, Arthaud, 1984, Paris

Image d’en-tête : Pesée de marchandises sur une amphore grecque – Peintre de Taléidès – 540-530 av. J.-C. – Metropolitan Museum of Art

À PROPOS DE L'AUTEURE

Je suis Marie, passionnée d'antiquité et de mythologie grecque depuis l'enfance. J'ai acquis un gros bagage dans ce domaine grâce à mes lectures, innombrables, sur le sujet : ma bibliothèque compte plusieurs centaines d'ouvrages, sources antiques et essais historiques traitant de nombreux aspects de ces périodes anciennes.

Je suis également diplômée d'histoire ancienne et médiévale (Maîtrise, Paris IV Sorbonne). J'ai notamment travaillé sur l'antiquité tardive, le Bas Empire romain et la romanisation des peuples germaniques.

Je suis l'auteure de plusieurs romans et nouvelles, dont Atalante, qui réinterprètent et revisitent la mythologie grecque et l'antiquité.

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