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Ariane, l’héroïne utilisée et délaissée

Nous avions parlé de Pasiphaé dans la mythologie grecque il y a quelque temps et je vous avais promis de raconter les aventures de ses deux filles : Phèdre et Ariane.

Leur nom ne vous est sûrement pas inconnu. Il évoque des amours impossibles ou trahies, des larmes et des promesses de vengeance. Bref, le lot des femmes dans la mythologie grecque.

Aujourd’hui, nous allons parler de l’héroïne de la mythologie Ariane !

Ariane, guide du héros grec Thésée

Ariane est la fille de Minos, roi de Crète, et de Pasiphaé.

Sa famille a un passé tragique : elle est tenue par une obligation envers le Minotaure, une créature à tête de taureau et corps d’homme qui est sorti des entrailles de sa mère (pour plus de détails, lisez mon article sur Pasiphaé !).

Ce monstre a été enfermé dans un palais labyrinthique et, tous les neuf ans, il faut lui livrer sept jeunes filles et sept jeunes hommes en pâture.

Or, Minos prend ces victimes chez les Athéniens, qu’il a vaincus par les armes quelque temps auparavant. Il leur demande un tribut en chair fraîche tous les neuf ans pour apaiser le Minotaure. Un héros finit par se dresser pour déclarer cela inadmissible : c’est Thésée. Le jeune homme demande à faire partie des victimes et prend la tête de l’expédition au départ de la Crète.

Lorsqu’il arrive sur l’île, la romance commence entre Ariane et le héros. Devenue très amoureuse, la jeune femme donne à Thésée une pelote de fil qui va l’aider à sortir du labyrinthe (le fameux fil d’Ariane, que l’on retrouve même en langage digital !). Toutefois, en échange, elle lui fait promettre de l’épouser lorsqu’il aura tué le Minotaure.

Évidemment, le héros vainc le monstre… Quant au mariage, c’est une autre affaire !

ariane mythologie grecque
Ariane à Naxos, peinture d'Evelyn De Morgan (1877)

Ariane, en transit d’un homme à un dieu

Thésée n’a visiblement pas envie de cet hymen. Il profite du sommeil d’Ariane pour la déposer subrepticement à Naxos. Et voilà.

Ce destin est assez proche de celui de Médée, même si Jason aura un peu plus de constance que Thésée… et Médée beaucoup plus de pugnacité qu’Ariane (on reparlera de Médée, car il s’agit de l’une de mes héroïnes grecques préférées).

Bref, à Naxos, Ariane rencontre le dieu Dionysos.
Elle aurait pu tomber plus mal : le dieu de la végétation, du vin et de l’extase est un fou simple et heureux, qui s’occupe des exclus et des marginaux (c’est l’antithèse d’Apollon et de la plupart des héros grecs comme Thésée). Il épouse Ariane et lui offre un diadème d’or forgé par Héphaïstos.

L’issue d’Ariane est donc plus heureuse que celle de sa sœur Phèdre, en tout cas si on se garde d’évoquer le consentement d’Ariane à toute cette affaire d’échange (dont les textes antiques ne parlent guère). Il semblerait que ce soit Dionysos lui-même qui ait demandé (ordonné ?) à Thésée de lui laisser Ariane. Bref, dans son dos, les hommes ont disposé de la jeune femme…

À la décharge du héros, il existe d’autres versions dans lesquelles il est contraint d’abandonner Ariane. Il arrive parfois aussi qu’Ariane succombe, pour diverses raisons (accouchement, désir de possession de Dionysos…). Nous en reparlerons !

Fresque d'une villa romaine de Pompéi (Maison du Poète Tragique). J'ai trouvé beaucoup plus d'œuvres montrant Ariane abandonnée par Thésée qu'Ariane active, aidant Thésée dans sa quête contre le Minotaure. L'Ariane tragique semble avoir davantage inspiré les artistes. 😀

Ariane : de la mythologie grecque à ma plume

J’ai eu le plaisir de conter les aventures d’Ariane dans l’une de mes nouvelles. C’est l’une de mes mécènes qui m’a proposé ce personnage dans le cadre de mon Patreon.

J’ai eu beaucoup de plaisir à réinterpréter complètement la relation d’Ariane avec les différents protagonistes de l’histoire, notamment Thésée, Dionysos… et le Minotaure !

Voici un extrait de cette nouvelle :

Je me dois de te raconter comment Thésée est venu à moi après cette cérémonie funeste. J’en ai honte, Astérios. Mais je veux que tu vois en moi comme à travers l’eau d’une source.


Longtemps, je me suis purifiée au bassin lustral de la déesse aux serpents, dont la statue surplombe les eaux du polythyron plongées dans la pénombre. Ma robe flottait à leur surface tandis que je passai et repassai mes mains mouillées sur mon visage. Dans ces gestes, j’espérais noyer cette impression fatale de désastre imminent. Qu’avait voulu me dire la déesse lors du sacrifice, sinon que tu allais succomber sous les coups du prochain tribut ?


Je préférais les voir mourir, écartelés entre tes mains puissantes, même lui, le beau Thésée, plutôt que te perdre. Mais la déesse ne cherchait-elle pas à me dire que ta libération était proche et qu’elle allait passer par ta mort ?


J’ai fini par pleurer, affalée sur la dernière marche qui plongeait dans le bassin. J’étais seule, alors j’ai tout laissé échapper. Que pouvais-je faire ?


« Princesse. »


J’ai sursauté. Une ombre se tenait derrière moi, sur les plus hauts degrés, à la coudée de l’escalier.


Je me suis levée et j’ai porté la main à mes yeux pour essuyer mes larmes. Il a été plus vif que moi. En quelques pas, il était déjà au-dessus de moi et sa main touchait ma joue. Je me suis figée.


« Tu pleures sur ton frère, princesse ? »

Ariane dans la mythologie grecque

Il parlait ma langue avec un très fort accent. Son pouce a suivi le chemin de ma paupière. Jamais aucun de mes prétendants n’avait osé un geste aussi familier. J’ai détourné la tête pour échapper à ses yeux et à ses doigts, mais j’étais troublée, je le reconnais.


« Je te laisse le sanctuaire, Prince Thésée, si tu souhaites faire une libation à la déesse », ai-je répondu.


Je lui ai parlé en grec — je parlais mieux sa langue que lui la mienne. Puis j’ai gravi une marche, mais sa voix m’a retenue.


« Je ne connais pas ta déesse. Je ne suis pas venu pour elle, mais pour toi, Ariane, sœur d’Astérios. »


Entendre ton nom dans la bouche de celui qui venait pour te tuer m’a fait un choc. Je me suis retournée, je voulais le foudroyer, mais il m’a devancée. Il a parlé vite, en usant cette fois de sa langue maternelle.


« J’ai appris ce qui vous unissait, toi et ton frère. Je ne viens pas trancher ce lien. Écoute-moi, Princesse. Si tu m’aides, je pourrai vous réunir. »


Ma bouche s’est asséchée. Dans l’égarement qui m’a prise, je n’ai même pas pensé à nier.


« Tu mens. »


Personne, hormis Dédale, n’a jamais voulu m’aider à te sauver. Pourquoi lui, un étranger, un ennemi… ?


Il s’est avancé, il a gravi une marche et s’est retrouvé à ma hauteur. Son visage était si proche du mien que j’ai pu distinguer les éclats d’azur de ses yeux. On les aurait cru des fragments arrachés aux fresques qui couraient sur les murs de la pièce. Une alerte a résonné en moi, mon cœur s’est mis à tambouriner sous mes côtes.


« Princesse, a-t-il murmuré en me regardant intensément. Depuis mes six ans, j’ai vécu trois départs de la plus belle jeunesse de ma cité vers ton île. Deux de ces envois ont échoué dans le labyrinthe de Cnossos. »


J’ai essayé de fuir ses yeux, car je savais trop ce que tu avais fait de ces victimes. Thésée m’a pris le menton et m’a ramenée à son attention. Doux, mais impitoyable.


« Cette fois, je fais parti du tribut et je n’ai pas l’intention de laisser mourir les miens. Aide-moi à empêcher la tuerie, Ariane. Aide-moi à libérer ton frère et à nous faire quitter ce lieu de mort. Aide-moi à mettre fin à toute cette horreur. »

Cet extrait vous a plu ? Vous pouvez lire ma nouvelle sur le personnage d’Ariane dans la mythologie grecque en vous abonnant à mon Patreon niveau Médée. Ce récit fait partie de ma bibliothèque virtuelle téléchargeable. 

À bientôt !

Image d’en-tête : AlexSky

À PROPOS DE L'AUTEURE

Je suis Marie, passionnée d'antiquité et de mythologie grecque depuis l'enfance. J'ai acquis un gros bagage dans ce domaine grâce à mes lectures, innombrables, sur le sujet : ma bibliothèque compte plusieurs centaines d'ouvrages, sources antiques et essais historiques traitant de nombreux aspects de ces périodes anciennes.

Je suis également diplômée d'histoire ancienne et médiévale (Maîtrise, Paris IV Sorbonne). J'ai notamment travaillé sur l'antiquité tardive, le Bas Empire romain et la romanisation des peuples germaniques.

Je suis l'auteure de plusieurs romans et nouvelles, dont Atalante, qui réinterprètent et revisitent la mythologie grecque et l'antiquité.

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