stetue d'artémis mythologie grecque

Artémis : impitoyable… et transgressive ?

Mis à jour le 14 avril 2024.

Chasseresse, l’Artémis de la mythologie grecque est une déesse ô combien inspirante. Dans notre monde contemporain, elle fait figure d’esprit libre et combatif. Vierge, elle défend sa chasteté et celle des femmes contre les hommes trop entreprenants et violents. On la retrouve beaucoup dans les récits pour la jeunesse et les adolescents.

Penchons-nous sur ce personnage et voyons ce qu’en disent les légendes antiques. Artémis est-elle une déesse rebelle  dans une société grecque très patriarcale ?

Mythe et origines d’Artémis

Artémis est une figure mythologique qui résonne avec notre époque traversée par les questions d’égalité hommes-femmes. En effet, elle est l’égale des hommes, et personne ne le lui conteste (au contraire de sa protégée, Atalante, dont nous parlerons plus bas). D’ailleurs, elle est la sœur jumelle de l’un d’eux : le dieu Apollon.

Tous deux sont les enfants de Zeus et de Léto. Artémis est née la première et elle aide aussitôt à l’accouchement de son frère (les dieux sortent entiers de leurs géniteurs !). Dans tous les mythes, le lien entre les deux divins est très étroit. Je n’ai pas connaissance de récits dans lesquels ils s’opposent, au contraire.

À quoi ressemble-t-elle ? D’après l’Hymne homérique à Apollon Pythique, elle est grande et imposante. Callimaque nous dit qu’elle a un beau visage, hélas sans plus de détails (on s’en doutait !). D’après Euripide, elle a les cheveux blonds (« des boucles d’or »).

Artémis est une chasseresse qui vit dans les montagnes et les forêts. Elle possède un arc et des flèches qui ont été forgés par Héphaïstos et les Cyclopes. Elle a aussi reçu des chiens « plus rapides que le vent » du dieu Pan. Ils peuvent renverser même des lions (Callimaque, Hymne à Artémis) ! D’ailleurs, la déesse chasse aussi bien des chevreuils, des cerfs et des biches que des lions et des panthères (on le voit dans l’Iliade et dans Pausanias).

Artémis, déesse vierge et farouche

Artémis dans la mythologie grecque, c’est aussi la déesse qui ne s’en laisse pas compter par les hommes, surtout ceux qui la désirent. Sophocle la décrit comme « la vierge inviolable et inviolée » (Électre) : la phrase est à prendre littéralement. Parmi ses prédateurs devenus victimes :

  •  le Géant Otos est tué par ruse (cf l’Odyssée) ;
  • Orion est piqué par un scorpion qu’elle lui a envoyé (cf Histoires incroyables de Palaiphatos) ;
  • Actéon la surprend nue dans la source Parthénios et est transformé en cerf (cf Diodore de Sicile) ;
  • Bouphagos est percé de flèches sur le mont Pholoé (Pausanias)…
Vase situé au Musée des Beaux-Arts de Boston et qui montre Artémis s'apprêtant à tuer Actéon transformé en cerf. Elle a l'air... réjoui. ^^'

Artémis défend aussi les femmes qui sont forcées par les hommes. Elle venge les viols des nymphes Opis et Chromion (Pausanias) et met à mort le tyran Tartarus qui usait d’un charmant droit de cuissage sur les jeunes filles de sa cité avant leur mariage (Antoninus Liberalis).

Pourtant, on peut se demander si Artémis défend les jeunes filles en elle-même ou le concept même de chasteté (celui des nymphes, celui des parthenos prêtes au mariage…). Parce qu’elle punit aussi les vierges qui cèdent à l’amour. Callisto, par exemple, qui s’est laissée séduire par Zeus (Hésiode, Fragments). Elle la transforme en ourse. Ou encore Comoetho, l’une de ses prêtresses. Elle la fait immoler avec son amant Melanipos (Je vous en parle dans cet article sur les prêtresses dans la Grèce antique).

Artémis peut être cruelle. Lorsque la reine Niobé insulte l’honneur de sa mère Léto, Artémis la venge. Elle tue les quatorze enfants de Niobé avec son frère. À Apollon les sept fils, à elle les sept filles. Artémis n’est pas une déesse plus compatissante ou plus douce que ses collègues masculins.

Artémis, protectrice des vierges… jusqu’à quel âge ?

Les jeunes filles vierges vénèrent Artémis. Elle est vraiment leur protectrice attitrée (on l’a vu au-dessus). En ce sens, Artémis précède Aphrodite. Il y a d’abord l’enfance innocente, celle des jeux de ballons et d’osselets. Puis vient le mariage et l’apprentissage des plaisirs dispensés par Aphrodite.

Les prêtresses d’Artémis sont donc des jeunes filles. Elles dansent dans son temple et se réunissent dans les bois. Mais elles ne sont pas censées rester dans cet état. Ensuite, c’est le mariage, et Artémis ne s’y oppose pas (ce n’est pas son rôle de sortir les femmes de leur condition normale). Finalement, l’Artémis de la mythologie grecque n’est pas une déesse de la révolte et de la transgression, au contraire. Lorsqu’on regarde les sources, on se rend bien compte qu’elle a sa place dans la religion grecque antique parce qu’elle est l’une des pièces qui permet au système social de fonctionner.

Lorsque les jeunes filles grecques se marient, elle déposent leurs parures virginales, leurs cheveux, leurs jouets et leurs poupées en offrande à Artémis. Le temps de l’enfance est terminé. Elles sont devenues des femmes et elles vénéreront prioritairement d’autres déesses, comme Héra, Aphrodite et Déméter.

Toutefois, Artémis revient périodiquement dans la vie des femmes adultes. Elle protège en effet les femmes en couches et les bébés (Callimaque, Hymne à Artémis).

peinture montrant Artémis et Apollon tuant les enfants de Niobé.
Peinture de Jean-François de Troy (1708) montrant Artémis et Apollon qui tuent les enfants de Niobé pour venger l'affront fait à leur mère Léto. Musée Fabre, Montpellier.

D’Artémis grecque à Diane romaine

Chez les Étrusques et les Romains, nous avons Diane. C’est une chasseresse. Aux ides d’août, les Romains lui consacrent une grande fête lors de laquelle on récompense les chiens et on accorde une trêve aux animaux sauvages (Stace, Les Silves).


Diane est une déesse farouche et intransigeante, comme Artémis. Ovide nous explique dans Les Fastes que les prêtres de son temple à Aricie doivent tuer leur prédécesseur pour accéder au poste.


D’autres de ses sanctuaires sont interdits aux hommes. Celui du vicus Patricius, à Rome, par exemple. D’après la légende, l’interdiction remonterait à une tentative de viol perpétré dans les lieux et qui a mal tourné pour l’agresseur : il se serait fait déchiqueté par les chiens de Diane.


Le temple le plus important est situé sur l’Aventin. Il a été construit par le roi étrusque Servius Tullius (VIème siècle avant J.C.). On remarque que ce sont surtout des femmes et des esclaves qui s’y réunissent lors des fêtes. Diane serait-elle une déesse plus sensible au sort des minorités sociales qu’Artémis ?


Et puis vient l’empereur Auguste, qui assimile complètement Diane à la déesse grecque Artémis. Auguste se réclame de la protection du dieu grec Apollon. Il se saisit du personnage de Diane et en fait la Diana Victrix, Diane victorieuse, sœur d’Apollon. Un chant d’Horace la célèbre lors d’une très grande fête religieuse : pour la première fois peut-être, Diane devient la Lune auprès de son frère, Apollon, le Soleil (qui représente en fait Auguste…).


Habile tour de passe-passe, finalement, qui ressemble beaucoup à un joli coup de com’ !

Dans les années 2010, on a retrouvé l’un des plus grands temples qui aient été érigés à la gloire d’Artémis, celui de l’île d’Eubée. Retrouvez cette aventure dans ce reportage. (Disponible jusqu’au 5 mais 2024.)

Artémis dans la mythologie d’Atalante

Atalante est une héroïne grecque qui cherche avant tout à conserver sa virginité. Elle est pleinement associée à la déesse Artémis, dont elle est la protégée. Tout comme elle, elle chasse. C’est une athlète qui participe aux exploits des hommes.


Mais jusqu’à quand ? Artémis approuverait-elle le célibat définitif de l’héroïne ? Nous avons vu plus haut que ce n’est pas son rôle. Viens un temps où elle passe la main à Aphrodite, la déesse de l’amour… dans le mariage. C’est ce qui se produit dans le mythe d’Atalante et des prétendants, avec les trois pommes d’or.


Toutefois, les mythes grecs sont aussi là pour nous inspirer. Dans l’antiquité, ils avaient leurs propres codes : nous ne pouvons pas le nier, ni l’ignorer. Mais notre époque peut les réinterpréter comme supports pour d’autres réflexions adaptées à la société d’aujourd’hui, comme le font nombre d’auteurs, d’illustrateurs et d’artistes actuels.


J’ai moi aussi pris plaisir à réinterpréter le mythe d’Atalante dans un petit roman que vous invite à découvrir. 🙂

statue d'artémis au louvre
La Diane de Versailles du Louvre

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À bientôt !

Crédits image en-tête :  Moonchild73

À PROPOS DE L'AUTEURE

Je suis Marie, passionnée d'antiquité et de mythologie grecque depuis l'enfance. J'ai acquis un gros bagage dans ce domaine grâce à mes lectures, innombrables, sur le sujet : ma bibliothèque compte plusieurs centaines d'ouvrages, sources antiques et essais historiques traitant de nombreux aspects de ces périodes anciennes.

Je suis également diplômée d'histoire ancienne et médiévale (Maîtrise, Paris IV Sorbonne). J'ai notamment travaillé sur l'antiquité tardive, le Bas Empire romain et la romanisation des peuples germaniques.

Je suis l'auteure de plusieurs romans et nouvelles, dont Atalante, qui réinterprètent et revisitent la mythologie grecque et l'antiquité.

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