Les Juifs de Judée face à l'Empire romain : sac de Jérusalem sur l'arc de triomphe de Titus à Rome

Être Juif en Judée au Ier siècle ap. J.-C.

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Les Juifs en Judée sous l’Empire romain : comment ça se passe pour eux ? Comment reste-t-on monothéiste et religieusement exclusif dans un monde aussi ouvert aux dieux de tout horizon ?

On en parle aujourd’hui dans ce court article. 🙂

L’Empire romain face aux particularismes religieux

L’Empire romain agit comme les rois hellénistiques (même Antiochos IV le persécuteur). Il intègre beaucoup plus qu’il n’exclut.

Ce n’est pas une politique recherchée en tant que telle. C’est un état de fait. Tous ceux qui veulent adopter les mœurs grecques ou romaines, la langue, les vêtements, les dieux, les habitudes alimentaires, les loisirs, etc., de la culture grecque ou romaine peuvent le faire. Sans restriction.

S’ils sont assez fortunés, un jour, ils pourront intégrer les classes dirigeantes de l’empire. En fin de compte, tout le monde peut devenir aussi romain qu’un Romain de vieille souche ou aussi grec qu’un Athénien.

Les notables de toutes les régions de l’Empire en profitent. Toutes, vraiment ? Même en Judée ?

Les Juifs de Judée face à l’Empire romain

Une religion exclusiviste

En Judée, les Juifs réagissent à la tentation hellénique différemment des autres peuples. Le code de pureté rituelle qui date du retour de Babylone contient des règles qui empêchent l’intégration.

Pour commencer, le judaïsme est un monothéisme. Les dieux des autres ne sont pas des dieux pour les Juifs (ce qui est une vraie singularité à l’époque — je vous invite à découvrir l’essence de la religion romaine, par exemple).

De plus, à Jérusalem existent des contraintes importantes :

  • pas d’images, même pas celles des enseignes de légions
  • pas de cultes païens
  • pas de culte impérial…

Beaucoup de Juifs de Judée ne veulent pas faire de concessions à ces règles. D’ailleurs, Jésus a peut-être été condamné pour cette raison. On sait que les autorités juives le détestaient bien plus que les Romains. Peut-être parce qu’il refusait d’exclure les païens et qu’il avait un discours intégrateur de tous.

Mais pourquoi cette intransigeance ?

Une Judée déjà hellénisée ?

En fin de compte, se raccrocher aux règles, c’est une façon pour les Juifs de survivre en tant que nation face à un monde hellénistique englobant.

Car même s’ils refusent l’intégration, celle-ci est en train de se réaliser. L’hellénisme gagne du terrain.

Il y a beaucoup de non-Juifs en Palestine. Le mode de vie grec séduit beaucoup les milieux dirigeants. Les Hérodiens sont très hellénisés et entourés de Grecs. Il y a des païens partout, sauf peut-être à Jérusalem et dans les campagnes environnantes. Les Juifs sont même parfois minoritaires !

Le grec est la langue des inscriptions, même sur les ossuaires juifs.

Pour l’historien Martin Hengel, il n’y a pas de grosses différences entre la littérature judéo-hellénistique de la diaspora et la littérature juive « originelle » de la Palestine. La Jérusalem d’Hérode est déjà profondément hellénisée, tout a commencé sous les rois hellénistiques, bien avant que les Juifs de Judée rencontrent l’Empire romain.

Martin Hengel reprend l’affirmation de J. L. Kelso et D. C. Baramki qui disent que Jéricho est comme un morceau de Rome transporté par tapis volant sur les rives du Jourdain. Il enfonce le clou en disant que la révolte juive de 66-70 met fin à une culture judéo-hellénisée prospère et originale. Pour lui, les Juifs ont tiré profit et enseignement de l’hellénisme : par exemple, la conception de l’individualisation religieuse.

Un hellénisme superficiel en dehors des élites

D’après l’historien Maurice Sartre, cette analyse ne vaut pas pour tous les milieux sociaux. Ce sont surtout les élites cultivées qui sont hellénisées.

Dans la littérature talmudique postérieure, on voit que les modes de pensée grecs ont gagné du terrain chez les Juifs instruits. Beaucoup de gens vivent « à la grecque » et dans des décors « à la grecque ».

Mais, jusqu’à la révolte de 66, il y a toujours des réticences et des limites, comme le refus des images et de la fréquentation des Gentils.

Certains Juifs récusent cette intransigeance, comme Jésus qui fréquentent des païens. Mais ils ne sont pas nombreux. La majorité craint de violer la norme religieuse et le respect de la Torah.

L’hellénisme resterait ainsi plutôt superficiel et limité à des domaines qui ne sont pas « sensibles » par rapport aux règles de la Torah.

J’espère que cet article sur les Juifs de Judée face à l’empire romain vous a intéressé. Je vous donne rendez-vous dans ma newsletter pour plus de voyage dans l’antiquité grecque et romaine. 🙂

Sources : SARTRE, Maurice, D’Alexandre à Zénobie – Histoire du Levant antique – IVe siècle av. J.C. – IIIe siècle ap. J.-C., Fayard, 2001

Image d’en-tête : bas-relief de l’arc de Titus à Rome : soldats romains emportant d’arche d’alliance du Temple de Jérusalem

À PROPOS DE L'AUTEURE

Je suis Marie, passionnée d'antiquité et de mythologie grecque depuis l'enfance. J'ai acquis un gros bagage dans ce domaine grâce à mes lectures, innombrables, sur le sujet : ma bibliothèque compte plusieurs centaines d'ouvrages, sources antiques et essais historiques traitant de nombreux aspects de ces périodes anciennes.

Je suis également diplômée d'histoire ancienne et médiévale (Maîtrise, Paris IV Sorbonne). J'ai notamment travaillé sur l'antiquité tardive, le Bas Empire romain et la romanisation des peuples germaniques.

Je suis l'auteure de plusieurs romans et nouvelles, dont Atalante, qui réinterprètent et revisitent la mythologie grecque et l'antiquité.

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